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négrier Edward Colston dans la ville de
Bristol avait raison, estime ce chroniqueur de
l’hebdomadaire conservateur. Elle n’a pas
effacé l’histoire, comme le clament certains,
elle l’a écrit.
RÉSERVÉ AUX ABONNÉS
“Si certains souhaitaient que cette statue soit déposée, il
existe pour cela des voies démocratiques”, a déclaré
Boris Johnson. Je ne suis pas du tout de cet avis. Non,
car il y avait quelque chose de splendide dans le
spectacle de cette foule à Bristol, jetant dans le port la
statue d’un négrier connu pour avoir jeté à la mer les
esclaves malades qui n’avaient plus de valeur
marchande. C’est la Grande-Bretagne des années 1890
qui avait élevé cette statue. La Grande-Bretagne des
années 1890 – celle de l’enfance de mes grandsparents ! –, qui venait tout juste de fermer le marché
aux esclaves de Zanzibar.
Si nous sommes en droit de tirer fierté des réussites et
des vertus de nos aïeux, ne devrions-nous pas aussi
avoir honte de leurs péchés ? S’il y a du sens à ériger
des monuments aux hommes et aux femmes que
nous admirons, pourquoi n’y en aurait-il pas à abattre
les monuments à ceux que nous n’admirons pas ?
Soyons honnêtes. Commander une imposante
sculpture de sir Edward Colston à des fins d’exposition
dans l’espace public ne relevait pas d’une volonté
historique ou biographique : il s’agissait ni plus ni
moins d’une célébration. Et si la Grande-Bretagne des
années 1890 pouvait bien dresser un monument à un
homme que nombre des habitants de Bristol
souhaitaient alors célébrer, la Grande-Bretagne des
années 2020 doit pouvoir faire un bras d’honneur à cet
homme dont la mémoire est aujourd’hui abhorrée par
une bonne part de la population.
Déboulonner cette statue, ce n’était pas vouloir “effacer
l’histoire”, comme le grondent des conservateurs
indignés. De l’histoire, on peut dire, comme le poète
perse Omar Khayyam : “Le doigt se déplace, écrit et,
ayant écrit, passe à autre chose. Ni ta piété ni ton esprit
tu ne tromperas pour une demi-ligne effacée, ni tes
larmes n’en effaceront un seul mot.” Or cette statue ne
relevait pas de l’histoire, mais de l’opinion. Notre
époque a le droit d’exprimer la sienne. Loin d’une
volonté d’effacer l’histoire, le déboulonnage est une
inscription dans l’histoire. L’histoire, c’est ce qui arrive.
Ce musée des temps modernes qu’est Internet
Quelle tristesse, dès lors, au lieu de permettre aux
individus de manifester et de concrétiser
spontanément leurs sentiments, de recommander que
le sort de cette statue soit confié à une commission
délibérative de notables qui déciderait de l’envoi sur les
lieux d’une camionnette d’employés municipaux vêtus
du gilet jaune réglementaire, puis de l’entreposage de
l’œuvre en bronze dans les recoins oubliés de quelque
musée ! Sir Edward est parti, pas dans un soupir mais
sous la clameur, et la vidéo du plongeon de sa statue a
déjà rejoint les cimaises de ce musée des temps
modernes qu’est Internet. Cette journée est déjà entrée
dans l’histoire : pas l’histoire que composent les
emplois du temps des édiles et des bureaucrates –
l’histoire qui avance avec l’élan des foules en colère.
En visionnant les vidéos du déboulonnage de la statue
de Colston le 7 juin à Bristol, j’ai senti un frisson me
parcourir, électrisé de voir la ferveur de cette foule
réagissant viscéralement à une œuvre d’art. Cette
statue était naturellement bien plus qu’une œuvre –
aux qualités par ailleurs fort peu remarquables. Elle
était un symbole – comme toutes les statues
épiques –, en l’occurrence un raccourci de ce que
représentait son sujet, sir Edward Colston. L’art
consiste en bonne partie à proposer des symboles et
des raccourcis de la réalité. L’art fait aussi bien son
travail lorsqu’il console, inspire, élève et ravit que
lorsqu’il met en fureur, blesse et enflamme. Dans les
deux cas, l’art est bon parce qu’il interpelle.
En novembre 1954, à l’occasion de ses 80 ans, Winston
Churchill se voit offrir un portrait de lui réalisé par l’un
des peintres les plus réputés du XXe siècle, sir Graham
Sutherland. Le tableau le montre sous les traits d’un
homme à la fois grincheux et héroïque, la mine
opiniâtre et rebelle, irascible et gros, avec un cou de
taureau et une lueur d’âme blessée dans le regard. Le
portrait est plus vrai que nature ; Churchill est furieux.
Ses adversaires politiques le jugent plutôt bon ; la
plupart de ses amis prennent le parti opposé.
Le Premier ministre déteste le tableau, trouvant qu’il lui
donne l’air d’un alcoolique sorti d’un caniveau. Il
accepte toutefois ce présent des deux chambres du
Parlement avec toute la grâce qu’il peut, le ramène
chez lui et le descend directement à la cave. Après la
mort de lady Churchill, on apprendra qu’elle l’a fait
enlever et brûler.
L’art sort des musées, des livres d’histoire et des
cartes postales
La sculpture épique est un art multidisciplinaire, à michemin entre les beaux-arts, l’artisanat et le récit
historique. La statue de Colston est un commentaire,
au même titre que les peintures de Sutherland. Lorsque
ces commentaires disparaissent dans les flammes sur
ordre d’une épouse ulcérée ou sont jetés par des
manifestants dans les eaux du port de Bristol, l’art sort
des musées, des livres d’histoire et des cartes postales
touristiques pour nous toucher droit au cœur et dans
les tripes.
Ainsi ont péri la plupart des innombrables monuments
à la gloire de Franco que je me rappelle avoir vus dans
les parcs et jardins d’Espagne avant les années 1970.
Ainsi est tombée la statue de Saddam Hussein à
Bagdad – sans susciter de grands regrets (pour autant
que je me rappelle) dans nos âmes de conservateurs.
Et ainsi a disparu la statue d’un marchand d’esclaves.
La destruction de ces œuvres nous rappelle combien
l’art est important, et combien il est vivant.
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