Notes

Mes sœurs, mes alliées. Vous portez la voix d'une autre féminité. Vous, éclaireurs des chemins dérobés, trop longtemps restés dans l'ombre des routes toute tracées, que l'on nous pousse à emprunter depuis nos premiers pas. Vous préférez les lacets, les courbes et les fossés, aux horizons dégagés d'une ligne droite et carrossée. Qu'est-ce que la liberté, sinon "arpenter les chemins du possible" ? Je ne vous connais pas mais je vous suis pourtant si proche. Je cherche, avec obstination, à déceler le lien qui nous unit. Si fragile, il est à peine perceptible. Je le sens mais je lutte pour le distinguer. Je n'ai longtemps aperçu qu'une ombre furtive. Je la chasse depuis longtemps mais elle réussit toujours à m'échapper.

Et puis j'ai cru instant la saisir. J'ai vu la candeur. Oui, la candeur, la pureté de vos âmes, qui se heurte avec fracas au monde désuni, le courage de vous livrer sans armure. Votre combat me touche profondément , sans doute parce que je partage avec vous cette lutte, en silence, parmi tant d'autres.

Aussi, je dédie, à vous les courageuses et votre armée silencieuse, ce texte.

L'éclat éternel de la candeur.
L'éclat éternel de la candeur. La candeur, l'innocence, l'ingénuité : un thème qui m'obsède, qui me revient incessamment à l'esprit.

Pourquoi ? Parce que son écho lointain est désormais presque indicible dans notre monde. Mais je m'efforce de prêter une oreille attentive à son murmure, je suis suspendue à son souffle court. Je refuse de la voir disparaître. Cet appel est viscéral. La candeur : une respiration dans un monde suffocant. Un trait de l'humanité qui s'estompe peu à peu.

Candeur : dans sa définition première, pureté d'âme, confiance, franchise.

Notre société en a redéfini les contours, modifié sons sens originel pour définir par extension une confiance excessive, une naïveté. L'évolution sémantique du terme traduit fidèlement l'évolution des aspirations dans notre monde moderne. La candeur est aujourd'hui perçue négativement, telle un aveu de faiblesse, une fragilité.

Dans nos rapports sociaux, la manipulation, le calcul stratégique, la recherche du pouvoir sont omniprésents. Pour maintenir une forme d'équilibre dans les rapports de force entre individus, chacun doit pouvoir répondre avec les mêmes armes. Nous sommes contraints d'user des mêmes stratégies pour garder notre place dans la société.

Le principe de méfiance vis à vis de ses pairs prend le pas sur le principe de confiance (particulièrement dans le monde du travail).

Bien que les stratégies et les jeux de pouvoir aient toujours existé, notre société moderne amplifie le phénomène.
La valorisation de la réussite et de la performance individuelle, qui en soit, est louable (réalisation de soi), justifie des stratégies qui dénaturent les relations humaines et abordent la relation à l'autre comme un moyen d'arriver à ses fins . L'adage attribué à Machiavel " la fin justifie les moyens" n'a jamais été autant vérifié qu'à notre époque.

La stratégie qui autrefois était réservée au domaine militaire, à la géopolitique, plus généralement à la chose publique, devient une arme courante, voire indispensable, dans les relations entre individus.

Les relations humaines sont moins franches, davantage calculées,dans la représentation, le paraître.

Épanouissement individuel et faillite collective ? La réalisation de soi peut-elle se passer de celle des autres ? L'humanité est-elle en errance ?

J'ai mille doutes mais une seule certitude :

Qu'on essaie de l'étouffer, de la travestir, de la tromper.
La candeur gardera cet éclat que nulle stratégie, aussi brillante soit-elle, ne pourra occulter.