Notes

Je me réveille ce matin dans ma maison du Village des Vainqueurs, au district Douze, soulagé que la Tournée de la Victoire soit enfin terminée. Cela signifie que je pourrai bientôt rentrer à Poudlard, retrouver Persephone et les autres, mais pas aujourd'hui. J'ai encore certaines choses à faire à Panem avant de partir. Et la première chose que je compte faire est dans mon propre district. Je me lève en vitesse, ne voulant pas perdre de temps, mais forcément, la gueule de bois que j'ai à cause d'hier soir ne m'aide pas à être efficace. Je file m'habiller, et dès que j'ai fini, je prends la direction des bois de mon enfance.

Sans surprise, la clôture électrique ne fait passer aucun courant. Au district Douze, nous n'avons droit qu'à quelques heures d'électricité par jour. Je l'enjambe sans difficultés, et bientôt, je me retrouve à marcher en direction du lac. Ce chemin, je l'ai emprunté de nombreuses fois, avec mon père, puis avec Maysilee, si bien que je le connais par cœur. Je ne me suis pas encore habitué à l'emprunter seul, et c'est une sensation vraiment étrange qui me pèse un peu plus à chacun de mes pas. Une famille d'écureuils passe devant moi, mais je les laisse vivre, pour une fois. Je ne veux plus avoir à tuer qui que ce soit, tant que je n'en aurai pas besoin. Quant aux familles de la Veine, elles profitent encore des aliments qui leur ont été apportés lors du Jour des Cadeaux, elles n'ont pas besoin de mon aide. Pas pour l'instant, du moins.

Lorsque j'arrive au lac, rien n'a changé. L'eau est toujours de la même couleur marécageuse, la terre est toujours aussi molle, la cabane où j'ai souvent fait des pauses lors de mes parties de chasse est encore là, et les katniss qui poussent au bord de l'eau ne demandent qu'à être déracinées. A une époque, je l'aurais certainement fait, car ces plantes étaient ma seule source de nourriture, mais je n'en ai plus besoin. Je ne suis pas venu pour chasser, ni pour ramener quoi que ce soit, mais pour libérer mon esprit de toute la tension qu'il a accumulé ces derniers jours.
Je vais m'asseoir sur un rocher, au bord du lac, et je laisse mon regard explorer la nature qui m'entoure. Maintenant, je ne peux plus aller dans un tel endroit sans penser à l'arène. Mais je sais que je ne crains rien, ici. Personne ne songerait à me trouver, à part les chasseurs de mon district qui ne représentent pas un danger pour moi. Même le Capitole n'a jamais su qu'on allait dans les forêts ; seuls les Pacificateurs sont au courant, mais vu qu'ils profitent de notre braconnage, ils ne disent rien.
Je ferme les yeux et souffle un coup en essayant de chasser les images des Jeux, des Pacificateurs arrosant la foule de balles dans le Huit, de celui qui m'a tiré dessus dans le Deux, des yeux menaçants du Président Snow. Mais je me rappelle bien vite que ce n'est que le début d'un changement qui sera certainement long et difficile, mais je suis confiant. J'inspire un coup, et, pour me donner le courage d'affronter tout ça, je commence à chanter L'arbre du pendu. Cette chanson que j'ai chanté un bon nombre de fois ici, et qui représentait, à une époque, mon seul moyen de me rebeller contre ce système que j'ai toujours haï, pour la simple raison qu'elle est interdite depuis les Jours obscurs. Petit à petit, les geais moqueurs m'accompagnent, comme ils le faisaient avec Maysilee.

« Are you, are you
Coming to the tree?
They strung up a man
They say who murdered three
Strange things did happen here
No stranger would it be
If we met at midnight
In the hanging tree

Are you, are you
Coming to the tree?
Where dead man called out
For his love to flee
Strange things did happen here
No stranger would it be
If we met at midnight
In the hanging tree

Are you, are you
Coming to the tree?
Where I told you to run
So we'd both be free
Strange things did happen here
No stranger would it be
If we met at midnight
In the hanging tree

Are you, are you
Coming to the tree?
Wear a necklace of hope
Side by side with me
Strange things did happen here
No stranger would it be
If we met at midnight
In the hanging tree

Are you, are you
Coming to the tree?
Where I told you to run
So we'd both be free
Strange things did happen here
No stranger would it be
If we met at midnight
In the hanging tree

Are you, are you
Coming to the tree?
They strung up a man
They say who murdered three
Strange things did happen here
No stranger would it be
If we met at midnight
In the hanging tree

Are you, are you
Coming to the tree?
Where dead man called out
For his love to flee
Strange things did happen here
No stranger would it be
If we met at midnight
In the hanging tree »


Ma voix s'éteint en même temps que le chant des geais moqueurs, et je décide de ne pas traîner plus longtemps ici. Je me lève et jette un dernier regard au lac, avant de prendre la direction de mon district. Je croise un groupe de mineurs qui se dirige vers l'endroit où mon père a travaillé, et où il est mort. Je leur adresse un signe de main et leur souhaite bon courage. Ils sont en effet courageux de continuer à travailler là alors qu'un nouveau coup de grisou peut se produire n'importe quand. En réalité, c'est surtout qu'ils n'ont pas le choix. Et c'est pour le leur donner que je compte me battre.
Je me dirige ensuite derrière le quartier commerçant, afin de prendre la route du cimetière. De nouvelles tombes sont venues fleurir l'endroit depuis que mes proches y ont été enterrés. Je les ai tous rassemblés au même endroit. Mon poids sur le cœur revient, plus fort encore, et lorsque j'arrive devant la tombe où je lis les noms de mon père, de ma mère, de mon petit frère, de mon ancienne fiancée et de mon alliée, je sens une boule se former dans ma gorge et mes yeux s'humidifier. Je les lève au ciel pour retenir mes larmes, puis je sors ma baguette magique et murmure « Orchideus » en pointant chaque tombe. Rapidement, un bouquet de fleurs apparaît sur chacune. Je m'assieds ensuite au sol, devant elles, posant ma main sur la pierre froide de la tombe de Maysilee, la plus proche.

-Je rentre de ma tournée. Les choses ont bien changé à Panem et j'aurais aimé que vous soyiez là pour le voir. Plusieurs districts ont commencé à se révolter, et Snow se sent menacé, je l'ai bien compris lorsqu'il m'a parlé hier, lors de la fête au Capitole. Je vais prendre en main tout ça avec d'autres survivants et on va lui faire payer ce que nous sommes devenus à cause de ce système qu'il n'a certes pas créé, mais qu'il entretient. Je sais que vous auriez aimé vous battre à mes côtés et je vous promets que j'aurai une pensée pour vous à chaque fois, pour que vous puissiez être symboliquement avec moi. De toute manière, c'est déjà le cas, je pense énormément à vous cinq.

Je caresse la pierre sous ma main en lisant le nom de Maysilee Donner, sa date de naissance, sa date de décès, et la mention « 50e Hunger Games – Deuxièmes Jeux de l'Expiation » qui indique qu'elle est morte dans l'arène. Cela me remet en tête la scène de sa mort, contre laquelle je n'ai rien pu faire, et cette pensée a raison de toutes mes résistances. Après ces deux semaines difficiles à surmonter moralement, je craque et je fonds en larmes en me laissant glisser contre la tombe. Ils me manquent tous, énormément, et je viens d'en prendre réellement conscience. Je reste prostré là pendant une durée qui me semble interminable, et je ne m'arrête de pleurer que lorsque mon corps ne parvient plus à produire de larmes. Je me redresse alors lentement, et essuie mes joues en regardant la tombe de Maysilee.

-J'espère que tu as aimé mon discours, princesse.

L'heure qui sonne me rappelle que j'ai des choses à faire. Je me relève alors, malgré mon mal de tête qui n'a été qu'amplifié par ma crise de larmes. Au moins, maintenant, je me sens à nouveau vide, ce qui est peut-être la chose la moins douloureuse que j'ai pu ressentir ces derniers jours. Ou peut-être que je me suis simplement habitué à souffrir, après six mois. Je pose ensuite mon regard sur chacune des tombes, pour adresser un petit mot à chacun.

Felicity, j'ai retrouvé l'amour depuis que tu n'es plus là, mais tu auras toujours une place spéciale dans mon cœur. Je t'aimerai toujours et je penserai à toi très fort le 2 février, le jour où on aurait dû se marier. Et ne t'en fais pas, Persephone prend soin de moi, bien plus que je le mérite, et je prends soin d'elle comme j'aurais aimé pouvoir le faire avec toi, au lieu de te condamner.
Petit frère, j'espère que tu es bien sage et que tu es bien avec papa et maman. Au moins, maintenant, tu es libre, tu n'as plus à subir la violence de ce monde dans lequel j'avais si peur de te voir grandir. Et au moins, je n'ai plus peur de te voir partir aux Jeux. Ta première Moisson aurait été celle de l'année prochaine, et j'aurais détesté être ton mentor. Je vais tout faire pour qu'ils ne puissent pas se tenir.
Maman, je sais que tu t'inquiètes de me voir engagé dans cette rébellion, mais ne t'en fais pas. Je sais ce que je fais, et je vais pouvoir venger toutes les personnes qui sont décédées à cause des Jeux. Continue de veiller sur Anthonys comme tu l'as toujours fait. Et ne t'en fais pas pour moi, je vais gérer la situation, et je ne suis pas seul.
Papa, prends soin d'eux pour moi, et continue de me regarder de là-haut comme tu le fait depuis plus de dix ans maintenant. Continue de me donner la force dont j'ai besoin pour entreprendre la suite des événements. Je sais que tu aurais été l'un des premiers à prendre part à la rébellion, et je garderai à l'esprit que c'est surtout grâce à toi que je vais la faire. Je vous aime tous, infiniment.

Je me recule un peu, puis j'embrasse les trois doigts de ma main gauche et les lève vers les tombes pour leur rendre hommage et leur témoigner mon affection. Ensuite, je vérifie d'un coup d'oeil qu'il n'y a personne, puis je ferme les yeux et me concentre sur le district Trois. Je me concentre de toutes mes forces, y mettant toute ma détermination, puis je tourne sur moi-même jusqu'à disparaître du cimetière.