Notes

8 janvier 1978 : District 5

Une grande nouvelle a été annoncée à la télévision du Capitole cette nuit. Le district Onze s'est révolté cette nuit ! Enfin, un soulèvement... Je commençais à douter de la réussite de mon projet après les événements du Huit, mais ça y est ! La machine est lancée, pour de bon. Si un district se révolte de cette manière, les autres suivront certainement.

Les habitants du Onze sont allés pendant la nuit devant le bâtiment où travaillent les Pacificateurs et ils l'ont bloqué. Au petit matin, lorsque les Pacificateurs sont venus, les gens les ont empêchés de rentrer et les Pacificateurs ont rapidement ouvert le feu contre les gens. Mais au lieu de fuir, comme au Huit... ils ont riposté, avec les moyens du bord, et ils ont fini par réussir à mettre le feu au bâtiment des Pacificateurs. Il y a eu sept morts : quatre habitants du Onze et trois Pacificateurs, dont leur chef qui était dans le bâtiment au moment où le feu a été lancé. Mon ami Chaff m'a rapidement contacté au petit matin, alors que le soulèvement venait d'être annoncé, afin de me dire que lui et Seeder allaient bien. Il m'a également appris que c'était lui qui avait eu l'idée d'incendier le bâtiment des Pacificateurs. C'est un beau symbole, le feu. Il est destructeur sur le coup, mais par la suite, les terres en ressortent plus fertiles. C'est bien le symbole des dommages que la rébellion laissera sans doute, mais du renouveau bien meilleur qui nous attend une fois qu'elle sera passée. Parce que celle-ci réussira, et je ferai tout pour.

La révolte du Onze, qui a été réprimée avec une certaine difficulté par les Pacificateurs, a pris assez d'ampleur pour alerter le Capitole, étant donné qu'ils en parlent à la télévision. Evidemment, Caesar Flickerman a tout fait pour essayer de calmer les districts après l'esprit de révolte que j'ai peu à peu éveillé, mais je sais pertinemment que si le Onze a trouvé le courage de se révolter, sans compter que le Huit a commencé à le faire aussi avant d'être violemment réprimé, les autres suivront. Du moins, je l'espère fortement.

Je suis aujourd'hui attendu dans le district Cinq. Manque de chance pour moi, il s'agit du district qui produit l'électricité de toute la nation, par énergie solaire ou nucléaire, et donc de l'un des districts les plus riches, où les gens n'ont pas besoin de prendre des tesserae pour vivre, comme je l'ai fait durant toute mon enfance, garantissant ainsi ma place aux Jeux de l'Expiation. Ainsi, je crains qu'ils ne comprennent pas une partie des raisons que j'ai exposées pour justifier la révolte. Cependant, je ne compte pas me dégonfler, ça me permettra de prendre la température concernant les districts de carrière.

La foule du district Cinq m'a réservé un accueil plutôt froid, leurs visages étaient fermés et ils me regardaient sans émotion apparente. Pourtant, ici, je ne suis responsable de la mort d'aucun des tributs. Enfin, pas directement, étant donné que vu que j'ai survécu, je suis un peu responsable de la mort de tous les autres tributs. Disons plutôt que je n'en ai tué aucun de mes propres mains. Je crains alors que la raison de leur accueil si froid soit la révolte du district Onze. Ma mentore m'a dit qu'ils étaient plutôt proches du Capitole, mais j'espérais qu'une partie d'eux comprendrait quand même l'enjeu de la révolte, pas seulement pour eux, mais pour Panem tout entier. Dans ce genre de situations, il ne faut pas regarder uniquement son propre district, mais tous les autres.

J'ai tout de même fait mon discours normal, rendant hommage aux quatre tributs. Un est mort pendant le Bain de Sang, un à cause des papillons au venin toxique qui m'avaient attaqué également, un à cause d'un tribut du Trois, et le dernier à cause du venin des guêpes tueuses sur lesquelles j'ai eu la chance de ne pas tomber. Cet hommage m'a au moins permis de m'attirer ne serais-ce qu'un peu la sympathie des familles des enfants. Une fois qu'il fut terminé, je suis passé aux choses plus sérieuses. Je leur ai parlé de la révolte du Onze, qu'il fallait prendre comme le début d'une nouvelle révolution, et en voyant les gens plutôt hostiles à cela, je me suis proposé de répondre aux questions potentielles qui pouvaient les tracasser, trouvant que c'était la chose la plus intelligente à faire. Les Pacificateurs, eux, sont restés calmes. Vu les propos que j'ai tenus, il est possible qu'ils ne soient pas totalement en désaccord avec moi.
Une femme qui serrait un bébé contre elle m'a dit qu'elle trouvait que c'était trop risqué, qu'un potentiel échec de la révolte risquait d'avoir des conséquences aussi terribles que celles d'il y a cinquante ans. Je lui ai répondu que certes, on avait un risque de perdre, mais qu'en n'agissant pas et en laissant faire les choses, on avait déjà perdu d'avance. Un jeune homme à peine plus âgé que moi m'a demandé comment je pouvais être sûr de moi concernant ce projet, et je lui ai dit que le peuple a un pouvoir qui effraie le Capitole, et c'est pour cela qu'il veut absolument nous dominer par la peur, mais que ce pouvoir ne peut se révéler que si tous les districts s'unissent. Une troisième personne m'a demandé comment je pouvais être certain que les districts parviendraient à s'unir, étant donné qu'ils ne pouvaient pas communiquer entre eux. Là, je leur ai dit qu'il existait certains moyens de communication dont ils ne soupçonnaient même pas l'existence, pensant aux Patronus et à d'autres choses comme ça, puis je leur ai proposé d'être leur porte-parole s'ils avaient des choses à dire aux autres districts ou même au Capitole.
Enfin, un homme un peu plus âgé que moi a fini par me rejoindre sur l'estrade, une flasque à la main. Il semblait un peu éméché, mais assez lucide pour tenir des propos encore plutôt cohérents. En tout cas, il commençait sérieusement à sentir l'alcool. Automatiquement, j'ai attrapé son bras pour le stabiliser, habitué à le faire avec Chaff, qui est souvent ivre plus rapidement que moi quand on boit ensemble. L'homme me dévisage, et je reconnais celui qui a gagné les Jeux il y a trois ans. Il est tombé dans l'alcoolisme après ses Jeux. Comme moi, il doit avoir de terribles traumatismes, et en cela, j'espère qu'il sera un allié précieux pour convaincre son district de se révolter. Mais je suis bien placé pour savoir que l'addiction à l'alcool est un frein considérable lorsqu'on a besoin d'être pris au sérieux. Il rebouche sa flasque et la range, m'arrachant une moue rapide. Moi aussi, j'ai besoin de boire, même si j'essaie de le faire le moins possible durant la tournée, ce qui n'est pas facile. Je respire un coup pour me calmer, tandis que les mains tremblantes du mentor attrapent les miennes et les serre fort. Puis, l'homme se tourne vers la foule.

Faites c'que vous voulez, mais moi, j'le suis. Il a raison, ce p'tit gars. On a b'soin depuis longtemps de quelqu'un pour nous réveiller. J'voulais l'faire aussi pendant ma tournée, mais j'ai pas eu l'courage.

Je me rappelle du discours que cet homme a fait chez nous. En réalité, il n'avait même pas cherché à cacher qu'il était tombé dans l'alcool. Je me demande si, un jour, j'en arriverai à ce stade. En réalité, je pense que sans Lily, Persephone et tous mes amis de Poudlard, j'y serais peut-être déjà. Et là, personne ne m'aurait pris au sérieux dans mes propos. Je ne peux retenir un petit sourire fier, avant de serrer à mon tour les mains de l'homme pour lui témoigner ma reconnaissance.

Merci collègue.

Il lâche enfin mes mains et retourne avec la foule, parmi laquelle quelques visages me semblent moins sceptiques. Mon discours terminé, je lance un dernier regard déterminé à la foule avant de quitter l'estrade. Dans l'hôtel de justice, ma mentore m'adresse un signe avec le pouce en l'air pour me dire que je me suis bien débrouillé, tandis qu'Elizabeth, l'hôtesse, peste dans son coin. Je ne lui accorde aucune intention et récupère ma flasque pour boire une gorgée de whisky, l'autre mentor m'ayant donné envie de boire. Mais je n'ai pas le temps de me reposer bien longtemps, étant donné qu'il revient quelques minutes plus tard pour me faire visiter le district.

Celui-ci est également fascinant. Alors qu'au district Douze, on a l'impression de vivre dans le passé, ici, il y a un univers très futuriste. En même temps, le Cinq est chargé de générer la puissance de la nation toute entière. Pour cela, il dispose d'un immense barrage très impressionnant sur lequel mon nouvel ami m'a emmené, m'expliquant que s'il pète, le Capitole perdrait une grande partie de son pouvoir. C'est une information que je décide de noter dans un coin de ma tête, pour plus tard. Je demande également à mon collègue pourquoi nous ne disposons que de quelques heures d'électricité seulement par jour, au Douze, et il me répond que c'est parce que nous avons des installations d'électricité trop vétustes et pauvres, et que, de plus, nous sommes trop éloignés du Cinq pour que la puissance de l'électricité qui nous parvient soit optimale. C'est vrai que le Douze se trouve à l'opposé de Panem, mais je ne pensais pas que c'était un facteur. Comme quoi, on apprend beaucoup de choses en sortant de chez soi. Avant de rentrer à la gare, nous faisons un détour par une centrale solaire. Mon ami m'explique qu'elle s'appelle Coriolanus 9, en référence au président Snow, qui porte ce prénom. Je réponds ironiquement que ce sera la première chose que je veux détruire, et nous rions tous deux en regagnant la gare. Là-bas, je promets au mentor que je le contacterai bientôt, avant d'embarquer en direction du premier district de carrière que je devrai parcourir, le Quatre.